26 au 29 février 2012
Depuis que nous avons quitté la côte, c'est un changement
drastique de paysage ! La route se faufile à travers la Sierra
Nevada dont les collines sont piquées à perte de vue d'oliviers et
d'orangers. Le terrain est aride très aride, même à ce temps-ci de
l'année; on se demande comment ces arbres réussissent à y croître.
On nous dit qu'en effet il a très peu plu l'été dernier et qu'il
n'y a pas eu de récolte d'olives et d'oranges, un vrai désastre
pour la région qui ne vit que de ces deux cultures.
Cordoba
est réputée être une ville de tolérance, de fusion des cultures, d'harmonie
réussie entre des peuples différents; musulmans, juifs et
catholiques y vécurent longtemps dans un accord presque parfait.
Cette tolérance amena une telle expansion que Cordoba, avec un
million d'habitants, devint la plus grande ville d'Europe au 10e
siècle. C'est ainsi que le vieux quartier juif, la Juderia,
se blottit autour de la Grande Mosquée, la Mezquita, le joyau
architectural de la ville. À cette époque, Cordoba rivalisait par
son faste avec Constantinople et comptait plus de 300 mosquées. Les
califes et les émirs, amoureux d'art et de savoir, évitaient les
ségrégations religieuses. Les artistes et penseurs de l'Europe
entière affluèrent à Cordoba, la tolérance étant déjà denrée
rare à l'époque. Philosophes, historiens, scientifiques de
différentes origines partageaient leur savoir. Ciseleurs d'or,
tisserands, céramistes et musiciens étaient reçus et choyés par
des souverains qui appréciaient les belles choses. Cette belle
harmonie a pris fin au début du 13e siècle lorsque les rois
catholiques s'emparèrent de Cordoba et en chassèrent les musulmans.
La Mezquita, la cathédrale-mosquée de Cordoba |
Le mihrab de la Mezquita qui indique la direction de la Mecque |
La Mezquita, la seule
grande mosquée conservée en Espagne et une des plus grandes au
monde,elle est aussi considérée comme le monument islamique le
plus important d'Occident. «Avec sa forêt de colonnes parmi les
plus belles de toute l'histoire de l'architecture, elle incarne sans
aucun doute l'un des plus purs exemples d'art religieux.» Pour
établir son règne, Abd Al-Rahman 1er décide d'élever la ville au
rang d'émirat en l'an 756 et y fait ériger une grande mosquée. La
Mezquita que l'on visite aujourd'hui origine donc de l'an 785 et est
le résultat de trois agrandissements successifs jusqu'en l'an 987.
En 1523, presque 300 ans après la reconquête de Cordoba par les
catholiques, Charles Quint donna son accord pour détruire la partie
centrale de la mosquée afin d'ériger une cathédrale à
l'intérieur. Quand il vint ensuite à Cordoba, il regretta amèrement
cette décision : «Si j'avais su ce que vous aviez
là, dit-il aux chanoines, je n'aurais pas permis que l'on y touche,
car vous avez fait ce qui peut se faire n'importe où et vous avez
détruit ce qui était unique au monde !»
Cathédrale de la Mezquita |
La
Mezquita, c'est une forêt de colonnes et d'arches qui dirigent les
fidèles vers le mihrab qui indique la direction de la Mecque. Avant
la construction de la cathédrale catholique, la Mezquita comptait
1000 fines colonnes de marbre, il en subsiste 854 aujourd'hui
(presque toutes d'origines), ce qui est amplement suffisant pour
imaginer le coup d'oeil à l'époque. La cathédrale, érigée au
milieu de la mosquée, brise évidemment cet alignement parfait de
colonnes et d'arches, l'extraordinaire effet de profondeur qui en
résulte et la sensation de pureté qui s'en dégage. Par contre, le
contraste est plus que saisissant : majestueuse, s'élevant vers
le ciel et richement décorée, la cathédrale catholique tranche de
façon dramatique avec la mosquée musulmane mystique au style pur et
épuré. Que penser face à ces deux architectures qui s'opposent,
érigées par deux religions, pour glorifier le même Dieu ?
Une des nombreuses portes extérieures de la Mezquita |
L'extérieur
et le pourtour de la Mezquita sont aussi une œuvre d'art. Portes et
fenêtres sont ornées d'arches ciselées avec finesse. La cour des
Orangers, l'accès principal à la Mezquita, était le lieu des
ablutions rituelles, étape obligatoire pour se purifier avant
d'entrer dans la salle de prières. À la place des orangers
qu'Isabelle la catholique aurait fait planter au 15e siècle, se
seraient dressés des palmiers. Le minaret, devenu clocher, domine la
cour avec ses 47 m de hauteur.
Vue de la Mezquita et du pont romain depuis la tour de la Calahorra |
Autre
site d'intérêt de Cordoba, la Tour de la Calahorra. Cette grosse
tour mauresque est située de l'autre côté du Guadalquivir, le
fleuve qui traverse Cordoba; elle est accessible via el Puente
romano, un pont piétonnier datant de l'époque romaine. On y a
installé un intéressant petit musée consacré à l'islam et
représentant la vie à l'époque du califat. Et que dire de la vue
du haut de la tour sur le pont et la Mezquita ! Magnifique !
Faience de San Bartolomé |
Nous
avons aussi fait un arrêt à la Casa Andalusi, une vieille maison du
12e siècle joliment restaurée. Une pièce est consacrée à la
fabrication du papier, Cordoba ayant été la première ville
d'Europe à en produire au 10e siècle. Il y
a aussi la minuscule chapelle San Bartolomé, qui date du 14e siècle,
qui vaut le détour ne serait-ce que pour la beauté de ses murs
couverts de carreaux de faïence et son retable baroque.
Spectacle de flamenco à la Tablao Cardenal... Olé ! |
Enfin,
nous nous l'étions promis, nous sommes allés voir un spectacle de
flamenco à Cordoba. Nous avons retenu «El Tablao Cardenal», dans
la Juderia et nous n'avons pas été déçus. Les «tablaos» sont de
petites salles de spectacle (moins de 100 personnes) où on peut être
près des danseurs (nous étions dans la 1ère rangée). Nous avons
eu droit à un spectacle de grande qualité avec des danseurs ayant
gagné les premiers prix des concours nationaux. Sans être des
connaisseurs, on pouvait apprécier la qualité et l'intensité des
artistes, danseurs, chanteurs et musiciens. Une très belle soirée
qui nous a donné le goût d'en savoir plus sur le flamenco et de
récidiver à Séville, un autre haut lieu du flamenco espagnol !